Dimension d'un « projet de société »

Publié le 12/12/2013 à 10:50 par santeplusmes Tags : monde france société vie bonne coeur création travail cadre carte martine

 

TOUTES les précautions avaient été prises : deux ans de concertation, un calendrier maintes fois aménagé pour éviter les écueils - l'assemblée générale du Medef en janvier 2000, notamment - et voilà que le dossier sensible des retraites s'ouvre au plus mauvais moment. Confronté à l'échec des négociations sur les 35 heures dans les fonctions publiques, à l'abandon de la réforme de Bercy et à la colère des enseignants, Lionel Jospin devait, mardi 21 mars, dévoiler son plan pour « garantir l'avenir » des régimes de retraite par répartition. Le chef du gouvernement, entouré de plusieurs de ses ministres - Martine Aubry, Emile Zuccarelli, Jean-Claude Gayssot et Christian Sautter - devait s'appliquer à donner à ses propositions la dimension d'un « projet de société », en rappelant son attachement au système par répartition.

 

L'horizon de M. Jospin ne dépassera pas 2020, façon de s'affranchir des prévisions du rapport du commissaire au Plan, Jean-Michel Charpin, dessinées jusqu'en 2040, mais jugées trop « alarmistes ». Le cadre se veut plus optimiste. La baisse du chômage et la bonne tenue de la croissance permettaient au premier ministre d'esquisser, une nouvelle fois, le portrait d'une société du plein emploi à moyen terme. Dans ce contexte, où s'inscrivent également l'allongement de la durée de la vie et le poids grandissant des plus de soixante ans dans la population, M. Jospin devait dessiner des pistes de réforme, mais ne rien imposer. Les aménagements pour la fonction publique, en particulier, dépendraient de nouvelles négociations. « La seule politique valable pour le gouvernement, c'est le dialogue. Et le dialogue supose la compréhension », a-t-il prévenu, le 16 mars, sur TF 1.

 

 Le Conseil de la retraite.La création d'un comité de suivi, associant les partenaires sociaux, l'Etat et les parlementaires, figure dans tous les rapports commandés par le gouvernement. Inspiré d'exemples étrangers, notamment le Canada, il constitue une pièce maîtresse de la méthode Jospin pour éviter que le gouvernement ne se retrouve seul en première ligne sur la réforme. Chargé d'établir les prévisions financières des différents régimes, il devra proposer les ajustements nécessaires. Un premier bilan, au bout d'un an, devrait lui être commandé. Les organisations syndicales ont déjà été consultées sur leurs futurs représentants.

 

 La retraite à la carte.Ce principe devra progressivement remplacer le verrou du départ à soixante ans, généralisé à l'ensemble des salariés, à l'exception des professions libérales, en 1982. Les choix individuels, sur la base du volontariat, seront privilégiés, pour permettre aux salariés de partir plus tôt ou plus tard. Ainsi, la coupure brutale entre la vie active et la retraite s'estomperait. Cette mesure tient compte à la fois de la pratique, très répandue en France, des préretraites, mais aussi de l'allongement de la durée de la vie. Selon le rapport Charpin, la génération des hommes nés en 1970 a toutes les chances de passer vingt-trois ans à la retraite quand cette espérance n'était que de quatorze ans en 1910. Les pénalités en cas de liquidation, avant terme, des pensions, seraient donc réduites. En sens inverse, il pourrait être possible de continuer à cotiser, même partiellement, au-delà de l'âge légal de la retraite.

 

 Les personnes âgées.Un rapport, commandé à la députée socialiste du Doubs Paulette Guinchard-Kunstler, et remis à M. Jospin en octobre 1999, estime qu'il convient de « porter un autre regard sur la vieillesse ». Il recommande une « nouvelle organisation de la prise en charge » et l'instauration, à terme, d'une « prestation dépendance unique ». La prestation spécifique dépendance, considérée comme un « échec » par Mme Aubry, devrait donc être remodelée. La création d'un statut de bénévole devait être aussi annoncée.

 

 La pénibilité du travail.M. Jospin se garde bien de bousculer les régimes spéciaux. Une liste de travaux pénibles pourrait cependant être tenue à jour par le Conseil des retraites. Révisée périodiquement, elle permettrait d'intégrer progressivement de nouvelles catégories de salariés et d'en enlever d'autres. Le gouvernement a ainsi récemment accordé la retraite à cinquante ans aux pompiers.

 

 La fonction publique.Très attendu sur ce chapitre, le premier ministre annoncera prudemment l'ouverture de négociations. Par souci d'équité avec les salariés du secteur privé, soumis à quarante ans de cotisations depuis la réforme Balladur en 1993, M. Jospin devrait cependant proposer d'intégrer, dans la discussion, l'allongement à quarante ans de la durée de cotisations des fonctionnaires. En échange, l'intégration des primes dans le calcul des pensions pourrait également faire partie de la discussion.

 

 Le fonds de réserve.Créé en 1998, placé au coeur du dispositif pour garantir la retraite par répartition, doté pour le moment d'une vingtaine de milliards de francs, il devrait progressivement monter en charge pour atteindre au moins 500 milliards de francs d'ici à vingt ans.

 

Pour l'alimenter, l'Etat versera tous les excédents de la Sécurité sociale. Une « contribution » des entreprises publiques est également envisagée, non par la vente ou le transfert des actifs de l'Etat, mais par l'affectation des dividendes qu'ils génèrent ( Le Monde du 21 mars). Dans son rapport pour le PS, Marisol Touraine, chargée de la protection sociale, proposait également d'y affecter le produit du remboursement de la dette sociale (RDS), qui serait alors prolongé.

Isabelle Mandraud